samedi 7 mars 2009


La mer récompense le fleuve. Parcours du père Lacroix
Conversations avec Simone Saumur-Lambert et Pierrot Lambert,
Éditions Fides, Montréal, 2009, 314 pages.
http://www.fides.qc.ca/

Benoît Lacroix demeure à l’aube de ses 94 ans un homme d’exception, un observateur lucide et passionné de l’église et de la société québécoise. Le livre sans être une biographie, se présente sous la forme d’une conversation entre amis. Découvrez celui qui sait communiquer différemment pour exprimer les choses de la religion et qui ne craint pas de questionner les pratiques de l’église. Des lettres inédites de personnes – et elles sont nombreuses - qu’il a connues sont insérées dans le texte.

Quand on le rencontre, on est immédiatement conquis par sa joie de vivre, son ouverture d’esprit et son espérance sereine. On trouve chez lui une oreille attentive, on trouve en lui un confident qui sait trouver le mot juste, la parole qui réconforte. On souhaite rapidement mieux le connaître, percer le secret de son incroyable vivacité d’esprit et de cœur. Dans ce livre au titre évocateur, c’est lui qui se laisse aller à des confidences. En fouillant dans ses nombreux souvenirs, il remonte le cours du temps — comme on remonte le cours du fleuve — pour retracer les grands moments de sa vie et laisser entrevoir la mer vers laquelle la vie le conduit. Il parle avec une grande simplicité des siens, des combats qu’il a menés, des amitiés qu’il a nouées, de sa foi contagieuse.

En marge d’une carrière de traducteur dans la fonction publique canadienne, Pierrot Lambert a assumé divers engagements sociaux. Il est animateur à l’Institut Thomas More de Montréal. Simone Saumur-Lambert a travaillé longtemps dans l’enseignement secondaire à Ottawa. Elle a également été responsable de refuges pour les victimes de violence familiale.

Docteur en sciences médiévales, historien, théologien, grand officier de l’Ordre du Canada et de l’Ordre national du Québec, fondateur du Centre d’études des religions populaires, conférencier émérite, Benoît Lacroix fait partie de l’Ordre des Dominicains.
*
Les accommodements raisonnables
du père Benoît Lacroix
Entretien avec Caroline Montpetit

(Extraits)

« Dominicain, Benoît Lacroix a connu les temps de grands pouvoirs du clergé, l'époque par exemple où les membres de sa famille s'agenouillaient devant lui lorsqu'il était de passage, tout de blanc vêtu, dans son village de Saint-Michel-de-Bellechasse. Il a aussi connu le vent d'anticléricalisme qui a soufflé, et qui souffle encore, sur le Québec depuis les années 1960. Rien qui n'ait pu altérer le regard paisible qui passe sur le monde. «Je ne suis pas un homme de pouvoir», dit-il tout simplement, sans aucun regret. «Notre forme obsessive de catholicisme ne pouvait plus durer. Nos pouvoirs en tant que clercs et religieux ne pouvaient plus durer», écrit-il encore dans ces entretiens. »

« L'espace revient donc constamment dans le discours de cet amoureux du fleuve et de la mer. Tout récemment, alors qu'il accompagnait les participants à la Grande Traversée de la Gaspésie, sur le fleuve Saint-Laurent, le bateau qui les abritait s'est pris dans les glaces, près de Matane. Et le père Benoît Lacroix se souvient avec bonheur de cet instant où les passagers dont il était ont dû se plier au rythme des marées, à la volonté du vent. »

« Lorsqu'il parle de politique, l'homme évoque aussi cette notion d'espace. Il trouve dommage, par exemple, d'enfermer le Québec dans des frontières qui ont été établies par d'autres en 1867. Pour lui, le fait français dépasse ses frontières, et c'est ce fait qu'il veut défendre à tout prix.

«J'ajoute que, pour être un meilleur pays, le Québec devrait chercher aussi à élargir les lieux de sa pensée... et de ses rêves, et s'asseoir avec les autres francophones d'Amérique pour recréer une nouvelle unité politique, mais sans partisanerie exagérée. Est-ce possible?», peut-on lire dans ses entretiens. Il aime rappeler d'ailleurs que, historiquement, le mot «canadien» a précisément servi à assurer la survivance du fait français, comme le Ô Canada, d'ailleurs. »

« Le père Lacroix a la mémoire longue, donc. Pourtant, il a renoncé à écrire un livre sur l'art de vieillir. Il a choisi plutôt l'art de vivre, voire l'art de naître, pour continuer de fixer sur le monde des yeux bleus brillants comme des yeux d'enfants. «À 93 ans, on sent l'avenir tout proche... et on le devine autrement. Le visible dérange moins», écrit-il. S'il relève que le monde moderne est complètement épris de son moi et traverse une période de doute, il se réjouit, par exemple, de l'élection de Barack Obama à la présidence des États-Unis. Et de son bureau du chemin de la Côte-Sainte-Catherine, qui donne sur diverses écoles, il regarde chaque jour, confiant, serein, l'avenir se lever devant lui. »

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