PEUPLE-FLEUVE,
Fleuve des Amériques…
La Grande rivière de Canada,
le Katarakoui ou le Saint-Laurent
Témoignage
Jean Morisset
de Bellechasse-en-Canada
Nous fils et filles d’un fleuve aux appellations multiples et qui vivons sur ses rives, nous fils et filles de lointaines ascendances sauvages… huronnes et algonquiennes, oublions parfois jusqu’à quel point nous sommes issus de ce cours d’eau et de cette vallée fluviale sans lesquels nous ne serions probablement plus en existence comme peuple franco-métis en Amériques.
Le Saint-Laurent est la voie fluviale où se font sentir les marées pénétrant le plus à l’intérieur d’un continent sur la planète terre. Issue d’un complexe de lacs parmi les plus imposantes nappes d’eau douce, non seulement des Amériques mais de la planète, la Grande rivière de Canada se présente comme une invitation à l’exploration et à la remontée des origines sinon jusqu’à la création du moins jusqu’à la glaciation.
Le propos de ce témoignage est double.
Tout d’abord de considérer le Saint-Laurent en relation à l’hémisphère amériquain in toto pour tenter de voir comment celui-ci se situe par rapport aux grandes voies d’eau du continent — le Mississipi-Messachébé (auquel il est lié), le Rio Grande, la Grande rivière de l’Ourigan ou Columbia, l’Orénoque, l’Amazone, le São Francisco ou Saint-François (Brésil), le Paraguay, etc. Ceci pour mesurer son importance relative dans le contexte des trois grands blocs coloniaux qui composent l’histoire des Amériques : la Caraïbe au centre, puis l’Anglo-Amérique au nord et la Latino-Amérique au sud, à l’intérieur desquelles persistent des amériques résiduelles, n’ayant pas encore fait leur souveraineté, essentiellement les Amériques indigènes, créoles et le Québec.
Puis ensuite, d’interroger les fleuves comme axes identitaires et poétiques d’où tout est né sur ce continent. D’où procèdent les fondements historiques, identitaires, littéraires et spirituels du continent.
Pour terminer, j’aimerais bien revenir à Saint-Michel-de-Bellechasse, notre village qui a l’âge même du Pays-de-Canada, afin d’interroger sa nature, son identité, sa mythologie, ses histoires et sa permanence. Et sa place dans le devenir du Québec entre une Amérique qui se croit française et chrétienne et une autre Amérique qui, sur le plan géographique, a toujours été perçue comme animiste et sauvage et renfermant vraiment la promesse d’un monde nouveau.
Chemin des Érables,
Saint-Bellechasse
30 novembre 2008
à pierre perrault
HOMMAGE AU SAINT-LAURENT
quelquefois...
tu penses au Saint-Laurent
accoudé au bastingage du Pantanal
tu penses au fleuve en marée haute
juste avant l'irruption de la pollution
marchant distraitement le long du Rio Madeira
sur les vasières du fleuve São Francisco
du Paraguay, du Tocantins ou de La Plata,
t'abandonnant à la respiration du crépuscule
tu penses au fleuve de ta naissance
quelquefois...
tu te rappelles le langage de l'eau
tu songes au fleuve en méditation transversale
juste avant l’arrivée de l’Occident
glaçons-bourgeons
grève en jachère
dérive-vapeur
terre en brume
mirage-mystique
quelquefois...
tu penses au Saint-Laurent
laissant flotter sur son ventre
les derniers sourires du jonc
confidences
du chemin-qui-marche
sans jamais emprunter la parole des hommes
mélodies
de la piste des eaux-mûres
sans jamais te prévenir une seule fois
quelquefois...
tu penses au Saint-Laurent
nez en misaine, œil en télescope
et sifflant un air premier ignoré des dieux
tu revois les arbres flottants
sur les vertèbres du nordet
pattes au ciel, sourcils en débâcle
écorces en écorche, liesse en détresse
quelquefois...
tu plonges sous les varangues des goélettes
entre la rosée et l'aurore
clapotis de chardonnerets
sur la cantate de ses seins
tempêtes de goélands argentés
sur le tangage des dérives
plaisir des cailloux plumés
sous la caresse des schistes
quelquefois...
tu penses à l'automne
tombant goutte à goutte
sur les derniers voiliers d'outarde
allez allez, dernier appel
épervières rousses à crinière fumée
plages sautant entre les crans
juste avant la migration de l’hiver
tu revois la terre glaise
des écrevisses sarcastiques
les empreintes des oies blanches
sur la jacasse des premières neiges
tu arpentes la laisse des battures
découvrant une recette de cuisine roumaine
jetée dans les eaux de l’espoir
quelquefois...
tu n'arrives plus à discerner
la couleur de ton désir clapotant
au hasard des herbes fumantes
et voilà que tu disparais
dans une grande enjambée amphibie
sur la chasse-galerie du Grand Nord
quelquefois...
tu es heureux comme un fleuve
juste avant l'irruption de la pleine lune
quelquefois...
tu penses au Saint-Laurent en marée basse
pendant que de vieilles mélopées fugitives
dansent en feu follet autour du bivouac
quelquefois...
tu penses au retour des chaloupes
ayant retenu leur soif tout l'hiver
sous les morsures de la poudrerie
Fleuve des Amériques…
La Grande rivière de Canada,
le Katarakoui ou le Saint-Laurent
Témoignage
Jean Morisset
de Bellechasse-en-Canada
Nous fils et filles d’un fleuve aux appellations multiples et qui vivons sur ses rives, nous fils et filles de lointaines ascendances sauvages… huronnes et algonquiennes, oublions parfois jusqu’à quel point nous sommes issus de ce cours d’eau et de cette vallée fluviale sans lesquels nous ne serions probablement plus en existence comme peuple franco-métis en Amériques.
Le Saint-Laurent est la voie fluviale où se font sentir les marées pénétrant le plus à l’intérieur d’un continent sur la planète terre. Issue d’un complexe de lacs parmi les plus imposantes nappes d’eau douce, non seulement des Amériques mais de la planète, la Grande rivière de Canada se présente comme une invitation à l’exploration et à la remontée des origines sinon jusqu’à la création du moins jusqu’à la glaciation.
Le propos de ce témoignage est double.
Tout d’abord de considérer le Saint-Laurent en relation à l’hémisphère amériquain in toto pour tenter de voir comment celui-ci se situe par rapport aux grandes voies d’eau du continent — le Mississipi-Messachébé (auquel il est lié), le Rio Grande, la Grande rivière de l’Ourigan ou Columbia, l’Orénoque, l’Amazone, le São Francisco ou Saint-François (Brésil), le Paraguay, etc. Ceci pour mesurer son importance relative dans le contexte des trois grands blocs coloniaux qui composent l’histoire des Amériques : la Caraïbe au centre, puis l’Anglo-Amérique au nord et la Latino-Amérique au sud, à l’intérieur desquelles persistent des amériques résiduelles, n’ayant pas encore fait leur souveraineté, essentiellement les Amériques indigènes, créoles et le Québec.
Puis ensuite, d’interroger les fleuves comme axes identitaires et poétiques d’où tout est né sur ce continent. D’où procèdent les fondements historiques, identitaires, littéraires et spirituels du continent.
Pour terminer, j’aimerais bien revenir à Saint-Michel-de-Bellechasse, notre village qui a l’âge même du Pays-de-Canada, afin d’interroger sa nature, son identité, sa mythologie, ses histoires et sa permanence. Et sa place dans le devenir du Québec entre une Amérique qui se croit française et chrétienne et une autre Amérique qui, sur le plan géographique, a toujours été perçue comme animiste et sauvage et renfermant vraiment la promesse d’un monde nouveau.
Chemin des Érables,
Saint-Bellechasse
30 novembre 2008
à pierre perrault
HOMMAGE AU SAINT-LAURENT
quelquefois...
tu penses au Saint-Laurent
accoudé au bastingage du Pantanal
tu penses au fleuve en marée haute
juste avant l'irruption de la pollution
marchant distraitement le long du Rio Madeira
sur les vasières du fleuve São Francisco
du Paraguay, du Tocantins ou de La Plata,
t'abandonnant à la respiration du crépuscule
tu penses au fleuve de ta naissance
quelquefois...
tu te rappelles le langage de l'eau
tu songes au fleuve en méditation transversale
juste avant l’arrivée de l’Occident
glaçons-bourgeons
grève en jachère
dérive-vapeur
terre en brume
mirage-mystique
quelquefois...
tu penses au Saint-Laurent
laissant flotter sur son ventre
les derniers sourires du jonc
confidences
du chemin-qui-marche
sans jamais emprunter la parole des hommes
mélodies
de la piste des eaux-mûres
sans jamais te prévenir une seule fois
quelquefois...
tu penses au Saint-Laurent
nez en misaine, œil en télescope
et sifflant un air premier ignoré des dieux
tu revois les arbres flottants
sur les vertèbres du nordet
pattes au ciel, sourcils en débâcle
écorces en écorche, liesse en détresse
quelquefois...
tu plonges sous les varangues des goélettes
entre la rosée et l'aurore
clapotis de chardonnerets
sur la cantate de ses seins
tempêtes de goélands argentés
sur le tangage des dérives
plaisir des cailloux plumés
sous la caresse des schistes
quelquefois...
tu penses à l'automne
tombant goutte à goutte
sur les derniers voiliers d'outarde
allez allez, dernier appel
épervières rousses à crinière fumée
plages sautant entre les crans
juste avant la migration de l’hiver
tu revois la terre glaise
des écrevisses sarcastiques
les empreintes des oies blanches
sur la jacasse des premières neiges
tu arpentes la laisse des battures
découvrant une recette de cuisine roumaine
jetée dans les eaux de l’espoir
quelquefois...
tu n'arrives plus à discerner
la couleur de ton désir clapotant
au hasard des herbes fumantes
et voilà que tu disparais
dans une grande enjambée amphibie
sur la chasse-galerie du Grand Nord
quelquefois...
tu es heureux comme un fleuve
juste avant l'irruption de la pleine lune
quelquefois...
tu penses au Saint-Laurent en marée basse
pendant que de vieilles mélopées fugitives
dansent en feu follet autour du bivouac
quelquefois...
tu penses au retour des chaloupes
ayant retenu leur soif tout l'hiver
sous les morsures de la poudrerie
quelquefois...
tu aperçois une légende
tentant de se frayer un chemin
à travers les treillis d'anguilles
remontant l'équinoxe d'automne
quelquefois...
tu penses aux allongées de sable
à la curiosité des sardines
entre les sauts blancs des bélougas
quelquefois...
tu penses au Saint-Laurent
enlevant ses vêtements un à un
sous l’appétence humide du jusant
bancs de mousse
sortilèges des sarcelles
aisselles amoureuses de la nuit
quelquefois...
tu penses au Saint-Laurent
qui t'a tout raconté
tout murmuré, tout suggéré
tout dévoilé, tout appris
quelquefois...
tu ne sais plus que faire
pour rendre honneur à son immanence
toi fils perdu
qui se souvient de la mémoire oubliée
et que toujours poursuit l'odeur du vent
sur les clapotis de son destin errant
un pays sans fleuve est un pays sans nom
quelquefois...
tu ne sais plus qui tu es
dernier banc de sable
résistant à l'abrasion des labourages
dernier glacier
refusant de fondre sous les impératifs de l’évidence
dernier caribou
rebelle sur la piste détournée de l’exil
quelquefois...
tu penses à la banquise aux pieds-nus
philosophe aux mocassins sémantiques
sous les croassements érotiques de la lumière
et tu écoutes
indocile et ravi
ce pays qui n'a jamais su choisir
entre la première neige et le dernier verglas
quelquefois...
tu penses au Saint-Laurent
si calme, si hérissé
si tempestif, si grandiose
comment peut-on changer d'humeur si souvent
quelquefois...
tu te ris du Saint-Laurent
qui ne survivrait pas cinq minutes
sans les appalachies du précambrien
il y a longtemps que tu as appris
à te moquer de la violence des glaces
sous le souffle attendri des mollets du crépuscule
quelquefois...
tu penses au Saint-Laurent
quelquefois...
tu te glisses en clin d’œil
dans le fleuve qui t’a fait naître
lançant dans ses eaux
une grande déclaration d'amour
il y a des siècles
que tu nages à travers sa prégnance
et portages son visage
à toutes les mythologies de la terre
quelquefois…
tu pleures un chant de grâce
contre les flancs du Saint-Laurent
et promets
de raconter son histoire
à tous les fleuves de l’univers
belo horizonte/
rio de janeiro
août 1989
*
LA TRAVERSÉE. ATELIER QUÉBÉCOIS DE GÉOPOÉTIQUE
http://www.geopoetique.net/archipel_fr/latraversee/presentation.html
UQAM. Département d’Études Littéraires
La Traversée - Atelier québécois de géopoétique a été créé en 2004, dans la foulée du colloque «Nomades, voyageurs, explorateurs, déambulateurs : les modalités du parcours dans la littérature» (Montréal, 4 et 5 décembre 2003) et de la journée d’étude «Géopoétiques : art et mémoire de la terre» (Chicoutimi, 8 décembre 2003).
Affilié à l’Institut de géopoétique, fondé par Kenneth White en 1989, il est également rattaché à Figura, le Centre de recherche sur le texte et l’imaginaire de l’Université du Québec à Montréal, ce qui lui assure une base universitaire stable, mais il est orienté vers l’extérieur, tourné vers le dehors en quelque sorte, autrement dit ouvert à toute personne intéressée par la géopoétique. Il reprend le projet initial de Portage (le premier groupement géopoétique au Québec) tout en se déployant en fonction de ses trois îlots: Montréal, Québec et Sherbrooke.
Les membres de l’Atelier ont une prédilection pour les voyages, le nomadisme et l’errance; pour les paysages (nordiques, océaniques, désertiques, montagneux, urbains); pour la mémoire orale et la mémoire tellurienne (permettant d’aller chercher une géographie perdue); pour le rapport lieu-écriture et les interventions artistiques dans l’environnement. L'atelier québécois de géopoétique organise différents types d'activités: des ateliers nomades, des rencontres «Au retour au voyageur / du flâneur / du grimpeur», des soirées d'étude ou de poésie, des conférences, des séminaires, des expositions. Ses principales publications sont des Carnets de navigation en plus des publications des membres.
«Géopoétique...
La tentative d’ouvrir un nouvel espace culturel
en revenant à ce qui constitue la base même de toute culture,
à savoir le rapport entre l’être humain et la Terre,
ce rapport étant conçu à la fois sur les plans sensible, intellectuel et expressif. »
Kenneth White, Bretagne 2004
La Traversée — Atelier québécois de géopoétique s’inscrit dans un champ de recherche-création inédit en Amérique. Il n’y a d’équivalents que dans quelques centres européens où des chercheurs-créateurs, affiliés à l’Institut international de géopoétique, tentent d’ouvrir un nouvel espace culturel propice à la création et à la réflexion. La géopoétique «occupe un champ de convergence potentiel surgi de la science, de la philosophie et de la poésie» (K. White, Le Plateau de l’Albatros, 1994, p. 27). Elle vise à «ouvrir un nouvel espace culturel en revenant à ce qui constitue la base de toute culture, à savoir le rapport entre l’être humain et la Terre, ce rapport étant conçu à la fois sur les plans sensible, intellectuel et expressif». (K. White, Bulletin d’information de l’Institut international de géopoétique, printemps 2005, p. 2).
La géopoétique constitue un champ de recherche et de création orienté vers l'exploration du rapport sensible et intelligent à la terre, à l'espace qui environne l'humain; elle tente de faire converger des observations, des réflexions, des intuitions issues de la science, de la philosophie, de la poésie, des arts. Cette approche vise à questionner l'appréhension de l'espace à partir de différents points de vue et de méthodes diversifiées: par le biais de lectures et des recherches traditionnelles, bien sûr, mais aussi grâce aux interactions avec le paysage, grâce aux différentes pratiques créatrices qui en découlent.
L'interdisciplinarité est inhérente à la géopoétique, il importe donc d'organiser des lieux de réflexion regroupant géographes, urbanistes, littéraires, poètes, sculpteurs, peintres, etc. Pour les membres de La Traversée, l’approche géopoétique implique de parcourir un territoire donné, qui devient le lieu d’un Atelier nomade; de favoriser des créations individuelles et collectives, ainsi qu’une réflexion connexe; de recueillir des œuvres qui rendent compte de l’expérience de l’Atelier nomade et de les diffuser. Ces rapports aux divers territoires se traduisent par le voyage (compris comme pratique d’espaces qui nous sont extérieurs), la déambulation (pratique flâneuse de territoires familiers), l’ascension (pratique de la montagne) et l’excursion (pratique de paysages spécifiques: fleuve, forêt, lacs, îles...).
À ces pratiques correspondent des formes littéraires par lesquelles les auteurs prennent à tâche de témoigner du rapport de l’être humain à l’espace. Ajoutons que dans l’esprit géopoétique, où la création repose sur la réflexion et sur le partage, la diffusion se constitue en mode de création, d'où la nécessité de combiner la création et la réflexion à des moyens novateurs de production et de diffusion inspirés des nouvelles textualités et de l’hypermédialité, avec le concours des développeurs et programmeurs du NT2 : nouvelles technologies : nouvelles textualités.
http://www.geopoetique.net/archipel_fr/latraversee/presentation.html
UQAM. Département d’Études Littéraires
La Traversée - Atelier québécois de géopoétique a été créé en 2004, dans la foulée du colloque «Nomades, voyageurs, explorateurs, déambulateurs : les modalités du parcours dans la littérature» (Montréal, 4 et 5 décembre 2003) et de la journée d’étude «Géopoétiques : art et mémoire de la terre» (Chicoutimi, 8 décembre 2003).
Affilié à l’Institut de géopoétique, fondé par Kenneth White en 1989, il est également rattaché à Figura, le Centre de recherche sur le texte et l’imaginaire de l’Université du Québec à Montréal, ce qui lui assure une base universitaire stable, mais il est orienté vers l’extérieur, tourné vers le dehors en quelque sorte, autrement dit ouvert à toute personne intéressée par la géopoétique. Il reprend le projet initial de Portage (le premier groupement géopoétique au Québec) tout en se déployant en fonction de ses trois îlots: Montréal, Québec et Sherbrooke.
Les membres de l’Atelier ont une prédilection pour les voyages, le nomadisme et l’errance; pour les paysages (nordiques, océaniques, désertiques, montagneux, urbains); pour la mémoire orale et la mémoire tellurienne (permettant d’aller chercher une géographie perdue); pour le rapport lieu-écriture et les interventions artistiques dans l’environnement. L'atelier québécois de géopoétique organise différents types d'activités: des ateliers nomades, des rencontres «Au retour au voyageur / du flâneur / du grimpeur», des soirées d'étude ou de poésie, des conférences, des séminaires, des expositions. Ses principales publications sont des Carnets de navigation en plus des publications des membres.
«Géopoétique...
La tentative d’ouvrir un nouvel espace culturel
en revenant à ce qui constitue la base même de toute culture,
à savoir le rapport entre l’être humain et la Terre,
ce rapport étant conçu à la fois sur les plans sensible, intellectuel et expressif. »
Kenneth White, Bretagne 2004
La Traversée — Atelier québécois de géopoétique s’inscrit dans un champ de recherche-création inédit en Amérique. Il n’y a d’équivalents que dans quelques centres européens où des chercheurs-créateurs, affiliés à l’Institut international de géopoétique, tentent d’ouvrir un nouvel espace culturel propice à la création et à la réflexion. La géopoétique «occupe un champ de convergence potentiel surgi de la science, de la philosophie et de la poésie» (K. White, Le Plateau de l’Albatros, 1994, p. 27). Elle vise à «ouvrir un nouvel espace culturel en revenant à ce qui constitue la base de toute culture, à savoir le rapport entre l’être humain et la Terre, ce rapport étant conçu à la fois sur les plans sensible, intellectuel et expressif». (K. White, Bulletin d’information de l’Institut international de géopoétique, printemps 2005, p. 2).
La géopoétique constitue un champ de recherche et de création orienté vers l'exploration du rapport sensible et intelligent à la terre, à l'espace qui environne l'humain; elle tente de faire converger des observations, des réflexions, des intuitions issues de la science, de la philosophie, de la poésie, des arts. Cette approche vise à questionner l'appréhension de l'espace à partir de différents points de vue et de méthodes diversifiées: par le biais de lectures et des recherches traditionnelles, bien sûr, mais aussi grâce aux interactions avec le paysage, grâce aux différentes pratiques créatrices qui en découlent.
L'interdisciplinarité est inhérente à la géopoétique, il importe donc d'organiser des lieux de réflexion regroupant géographes, urbanistes, littéraires, poètes, sculpteurs, peintres, etc. Pour les membres de La Traversée, l’approche géopoétique implique de parcourir un territoire donné, qui devient le lieu d’un Atelier nomade; de favoriser des créations individuelles et collectives, ainsi qu’une réflexion connexe; de recueillir des œuvres qui rendent compte de l’expérience de l’Atelier nomade et de les diffuser. Ces rapports aux divers territoires se traduisent par le voyage (compris comme pratique d’espaces qui nous sont extérieurs), la déambulation (pratique flâneuse de territoires familiers), l’ascension (pratique de la montagne) et l’excursion (pratique de paysages spécifiques: fleuve, forêt, lacs, îles...).
À ces pratiques correspondent des formes littéraires par lesquelles les auteurs prennent à tâche de témoigner du rapport de l’être humain à l’espace. Ajoutons que dans l’esprit géopoétique, où la création repose sur la réflexion et sur le partage, la diffusion se constitue en mode de création, d'où la nécessité de combiner la création et la réflexion à des moyens novateurs de production et de diffusion inspirés des nouvelles textualités et de l’hypermédialité, avec le concours des développeurs et programmeurs du NT2 : nouvelles technologies : nouvelles textualités.
*
AU RYTHME DES VENTS ET MARÉES CARNET DE NAVIGATION N°1
Géopoétique... Voyage, exploration, évocation. Invitation à partir sur les chemins de la terre pour mieux courtiser la mer.
Ainsi, avons-nous décidé, dès la création de l'Atelier québécois de géopoétique, d'organiser des ateliers nomades, afin d'amorcer la Traversée qui constitue notre unique raison d'être. Notre but avoué étant de sortir des salles de cours, de l'univers des «belles-lettres» et des «seules idées» pour aller vers et dans la nature, il fallait donc partir de toute urgence. Et appareiller à la recherche de balises qui permettent de naviguer entre savoir scientifique et création littéraire, observation et expérience, raison et sentiments, lectures, architecture de l'espace et univers autochtone occulté. Nous voulions à la fois investir le paysage, humer l'odeur du large et débusquer la mémoire orale déposée sur le parchemin des saisons.
Comment débusquer alors le lieu propice aux premiers enseignements? Comment mettre le cap sur l'horizon de l'espoir, comment s'engager sur la piste qui réponde à la révélation anticipée en évitant de sombrer dans le mirage de l'errance où seule la promesse tient lieu d'espace géographique? Quoi de plus approprié alors que de partir à la rencontre d'un phare, d'une île, d'un fleuve: le Saint-Laurent, la Grande Rivière.., le «chemin qui marche» des premiers Canadiens!
Mais à peine y avions-nous réfléchi que I'Isle Verte allait s'offrir spontanément. À la fois «isle» et «isle-à-terres», comme disaient les Anciens des lieux où ils pouvaient cultiver la terre et courtiser la mer, mais qu'est-ce donc que l'Isle-Verte? Mince liséré de quelque 12 km «de bout en bout», ancré à une trentaine de kilomètres à l'est de Rivière-duLoup et presque accosté à la rive sud du fleuve, mais faisant directement face à l'embouchure du fjord du Saguenay et de ses eaux profondes. Isle à deux visages, donc, un faciès sur le fleuve et les terres déforestées et domestiquées; et, un autre, plus sauvage et plus rocheux donnant sur une mer aux odeurs de golfe. Toute la réalité du pays concentré en une surface aussi réduite: pas de route asphaltée, pas de magasin, pas de banque, pas d'école et pas d'église, mais un horizon sans fin englobant tout cela et une seule municipalité appelée Notre-Dame-des-Sept-Douleurs -on se demande bien pourquoi! Quelques dizaines de résidents permanents en hiver, une mémoire incrustée dans la roche, enfouie sous la neige et les sapinages. Du côté mer, un phare, automatisé maintenant, pour indiquer aux voyageurs maritimes le lieu et le chenal, et les maisons du gardien et de l'assistant-gardien, ayant pour nouvelle fonction d'accueillir les promeneurs terrestres.
C'est ici, l'espace d'une fin de semaine, en mai 2004, que nous avons «ouvert» avant la lettre la saison touristique et jeté un premier regard sur la Terre-Québec. Vingt-sept rêveurs, dont quatre enfants, se sont présentés un vendredi après-midi au quai du village de la terre ferme pour entreprendre leur traversée, à marée haute, sur La Richardière, bateau menant à une isle laissant l'impression de flotter en plein fleuve!
Mélange de textes, d'images, de cartes, de photographies et de collages, les pages qui suivent sont le fruit heureux de cette trop brève expérience.
Que tous soient invités à les parcourir, s'arrêtant à loisir ici et là, si besoin est, pour mieux se laisser féconder par la patine d'un rêve et d'une mémoire d'où surgira un continent entier.
Eric Waddell et Jean Morisset
Québec/ Bellechasse, 1er mars 2005
Géopoétique... Voyage, exploration, évocation. Invitation à partir sur les chemins de la terre pour mieux courtiser la mer.
Ainsi, avons-nous décidé, dès la création de l'Atelier québécois de géopoétique, d'organiser des ateliers nomades, afin d'amorcer la Traversée qui constitue notre unique raison d'être. Notre but avoué étant de sortir des salles de cours, de l'univers des «belles-lettres» et des «seules idées» pour aller vers et dans la nature, il fallait donc partir de toute urgence. Et appareiller à la recherche de balises qui permettent de naviguer entre savoir scientifique et création littéraire, observation et expérience, raison et sentiments, lectures, architecture de l'espace et univers autochtone occulté. Nous voulions à la fois investir le paysage, humer l'odeur du large et débusquer la mémoire orale déposée sur le parchemin des saisons.
Comment débusquer alors le lieu propice aux premiers enseignements? Comment mettre le cap sur l'horizon de l'espoir, comment s'engager sur la piste qui réponde à la révélation anticipée en évitant de sombrer dans le mirage de l'errance où seule la promesse tient lieu d'espace géographique? Quoi de plus approprié alors que de partir à la rencontre d'un phare, d'une île, d'un fleuve: le Saint-Laurent, la Grande Rivière.., le «chemin qui marche» des premiers Canadiens!
Mais à peine y avions-nous réfléchi que I'Isle Verte allait s'offrir spontanément. À la fois «isle» et «isle-à-terres», comme disaient les Anciens des lieux où ils pouvaient cultiver la terre et courtiser la mer, mais qu'est-ce donc que l'Isle-Verte? Mince liséré de quelque 12 km «de bout en bout», ancré à une trentaine de kilomètres à l'est de Rivière-duLoup et presque accosté à la rive sud du fleuve, mais faisant directement face à l'embouchure du fjord du Saguenay et de ses eaux profondes. Isle à deux visages, donc, un faciès sur le fleuve et les terres déforestées et domestiquées; et, un autre, plus sauvage et plus rocheux donnant sur une mer aux odeurs de golfe. Toute la réalité du pays concentré en une surface aussi réduite: pas de route asphaltée, pas de magasin, pas de banque, pas d'école et pas d'église, mais un horizon sans fin englobant tout cela et une seule municipalité appelée Notre-Dame-des-Sept-Douleurs -on se demande bien pourquoi! Quelques dizaines de résidents permanents en hiver, une mémoire incrustée dans la roche, enfouie sous la neige et les sapinages. Du côté mer, un phare, automatisé maintenant, pour indiquer aux voyageurs maritimes le lieu et le chenal, et les maisons du gardien et de l'assistant-gardien, ayant pour nouvelle fonction d'accueillir les promeneurs terrestres.
C'est ici, l'espace d'une fin de semaine, en mai 2004, que nous avons «ouvert» avant la lettre la saison touristique et jeté un premier regard sur la Terre-Québec. Vingt-sept rêveurs, dont quatre enfants, se sont présentés un vendredi après-midi au quai du village de la terre ferme pour entreprendre leur traversée, à marée haute, sur La Richardière, bateau menant à une isle laissant l'impression de flotter en plein fleuve!
Mélange de textes, d'images, de cartes, de photographies et de collages, les pages qui suivent sont le fruit heureux de cette trop brève expérience.
Que tous soient invités à les parcourir, s'arrêtant à loisir ici et là, si besoin est, pour mieux se laisser féconder par la patine d'un rêve et d'une mémoire d'où surgira un continent entier.
Eric Waddell et Jean Morisset
Québec/ Bellechasse, 1er mars 2005
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